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Le 13 Février 2009, il y a 16 ans déjà, Drake mettait en ligne sa mixtape So Far Gone, portée par la merveilleuse chanson Best I Ever Had qui allait déclencher en moi un immense coup de cœur immédiat. Un classique en amont des tendances faisant découvrir au monde ce jeune rappeur canadien fan de R&B de la plus belle des manières. Une des mixtapes les plus populaires et influentes qui lançait 15 années d'une carrière florissante au succès exponentiel avec pour première étape la signature d'un contrat offert par Lil Wayne sur son label Young Money.
Seize ans plus tard, Aubrey Graham était monté trop haut pour ne pas chuter, mais il en a fait les frais de la pire manière, détruit aux yeux du monde par un confrère qui ne pouvait plus se contenter d'être acclamé par la critique et voulait lui aussi goûter au succès commercial de celui qui n'était même pas américain ; humilié aussi par tous les gens - musiciens ou non - qui préfèrent plus que tout se réjouir du malheur des autres, portant ainsi à des sommets stratosphériques un titre destiné à briser un homme... alors que c'est une laideur musicale...
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Après 10 mois difficiles et dans la foulée du coup de grâce du combo Grammy Awards + Super Bowl, Drake profite de la Saint-Valentin pour réagir musicalement en sortant un album collaboratif avec PARTYNEXTDOOR qui était dans les cartons depuis quelques mois.
Annoncé comme du R&B, ce projet est tout de suite perçu comme une fuite de celui qui a toujours été vu comme un "faux rappeur", trop soft et trop mainstream pour mériter la reconnaissance des critiques et des puristes.
Mais pourquoi ne pas simplement le voir comme les retrouvailles de Drizzy avec son premier amour : le R&B ; et comme un retour à ce qu'il fait de mieux après s'en être éloigné au profil de productions plus Trap Rap, moins aériennes, de chant moins présent et d'un flow voulu plus tranchant mais plus générique et moins agréable. C'est donc une occasion unique pour ceux qui comme moi étaient tombé(e)s amoureux(ses) de son alliance magique de Rap-R&B de la retrouver enfin plus que le temps de quelques morceaux sur ses albums.
En effet, $ome $exy $ongs 4 U est composé de pas moins de 21 chansons, chacune ou presque offrant une alternance de couplets rappés, d'un chant toujours délicieux, et de flow chanté - notamment celui de PND - le tout sur des productions atmosphériques. Quoi de mieux que d'avoir fait appel à son compatriote dont le style est typiquement dans ce registre - sans compter qu'il est l'un des seuls qui ne lui ait pas tourné le dos parmi les mille et uns artistes qu'il a lancés. Il n'est pas des plus présents, avec seulement un tiers des lyrics selon HipHopNumbers, en plus d'être absent de 6 tracks alors qu'il n'a qu'un solo. Ce n'est tout de même pas gênant car sa voix n'est pas la plus agréable qui soit, et la répartition certes inégale est en fin de compte musicalement idéale pour enrichir le projet. Leur collaboration est toujours une valeur sûre depuis 12 ans avec pas moins de 10 duos dont 6 sur les albums du patron de OVO et 4 sur les albums de son protégé. Leur album commun apparait donc dans la logique des choses à l'image des 2 précédents albums collaboratifs de Drake (avec Future puis 21 Savage).
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Le premier tiers a de quoi faire penser aux ambiances les plus aériennes de ses premiers albums et surtout aux chansons les plus R&B de If You're Reading This It's Too Late qui vient de fêter ses 10 ans et marquait la 1ère apparition de PND sur l'un des projets de son boss.
On retrouve ensuite quelque chose qu'il aime beaucoup en la présence d'une interlude où il laisse briller en solo un nouvel artiste qu'il cherche à soutenir : après PARTYNEXTDOOR sur If You're Reading This It's Too Late, Majid Jordan sur Views, Yebba sur Certified Lover Boy, c'était au tour d'une certaine Pim d'avoir son moment sur $ome $exy $ongs 4 U. L'idée est toujours louable mais le résultat qu'est PIMMIE'S DILEMMA est médiocre et il n'était pas utile d'entendre 2 minutes d'une version féminine de la voix trafiquée de 4batz.
Semblant aussi soucieux de la structure de cet album que de ceux jusqu'à Views, cet interlude marque l'arrivée de 3 solos consécutifs de Drake et un changement vers quelque chose de plus Rap et moins plaisant, avec BRIAN STEEL puis surtout GIMME A HUG où l'utilisation assez brouillonne du sample de R&B des 90's fait penser à celle de son hit de 2018 Nice for What qu'il est clair qu'elle cherche à reproduire. C'est d'ailleurs la track la plus populaire actuellement. Le morceau est néanmoins plus réussi grâce au très bon 2ème couplet.
RAINING IN HOUSTON apparait directement pour rajouter de la douceur et rappeler l'amour de Drizzy pour la H-Town Music à laquelle il n'a jamais manqué de rendre hommage de manière plus ou moins appuyée. Ici c'est tout en discrétion; avec une délectable ambiance planante comme la belle époque où il était inséparable de son fidèle Noah "40" Shebib.
A peine replongés avec plaisir dans cette ambiance prolongée par LASERS qu'un accident se profile avec MEET YOUR PADRE où son interprète s'essaye à l'espagnol. Ce n'est toutefois pas la première fois qu'il s'aventure dans la séduction de l'immense marché espagnol : on se souviendra de la fois où Bad Bunny l'avait invité pour un joli refrain sur MIA en 2018 et celle où ils avaient inversés les rôles sur Gently qui faisait affreusement tâche sur For All The Dogs en 2023. Cette fois-ci, la musique n'a rien à voir avec la carrière toute entière de leurs 2 interprètes. Pire encore, elle devient totalement inécoutable à partir de 3 minutes 23 lorsqu'arrive la plus grosse infamie de la musique latine : les trompettes du folklore mexicain. Non seulement, cette verrue dénote un opportunisme éhonté de gonfler les streams avec le lucratif public latino, mais en plus cela gâche violemment l'écoute et la cohérence musicale de l'album.
Cette homogénéité continue d'être totalement ébranlée, mais cette fois pour le mieux avec NOKIA, le 6ème et dernier solo de Drake qui constitue LE temps fort de l'album et déjà récompensé comme étant la 2ème track la plus populaire pour l'instant.
S'en suit encore l'introduction d'autres sonorités qui contrastent avec les précédentes : DIE TRYING est clairement la caution Pop de l'album et ce n'est pas désagréable même si la chanson n'a pas sa place ici. La mélodie est sympathique et le chant de Drake est irrésistible, tandis que celui de PND donne l'impression qu'elle aurait pu faire partie du répertoire de Khalid ou Pink Sweat$. Pour finir, l'outro de Yebba apporte une vraie valeur ajoutée qui conclut en beauté. Rien d'étonnant à ce qu'elle fasse partie des 3-5 tracks les plus populaires. Elle est taillée pour être le tube qu'a été Hold On, We're Coming Home bien que la qualité soit en-deçà.
Dans ces conditions, ç'en est presque étonnant de revenir à l'ambiance initiale sur les 6 dernières tracks, mais hors de question de s'en plaindre, bien au contraire, hormis le faible et inutile GLORIOUS.
Mention spéciale aux 2 dernières minutes instrumentales de GREEDY qui constituent une belle outro à l'album.
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En conclusion, $ome $exy $ongs 4 U réussit plutôt bien le pari du retour à la facette plus R&B de Drake, celle qu'il partage avec PARTYNEXTDOOR, comme si nous étions revenus 8-10 ans en arrière. Étonnamment, ils n'ont pas exploité au moins le temps d'une chanson le côté "island flavors" (dont les très bons Hotline Bling, Controlla ou EYE ON IT sont les principaux exemples) et dans laquelle ils étaient rois de 2015 à 2020, mais seulement l'ambiance aérienne, plus sombre et posée, de leur R&B. Ce n'est pas une mauvaise idée.
On pourra cependant déplorer que lorsqu'ils dérogent à cette cohérence musicale, ce ne soit pas vraiment réussi. Le traumatisme infligé par le truc mexicain est évidemment le meilleur exemple de cet échec.
De plus, il est regrettable que l'album ne décolle jamais réellement, contrairement aux autres albums de Drizzy où il y avait toujours des bangers aussi géniaux (Uptown, Up All Night, Headlines, Worst Behavior, Know Yourself, Still Here, Childs Play, God's Plan, Middle of the Ocean, You Broke My Heart) que décevants (Grammys, I'm Upset, Way 2 Sexy, IDGAF).
Il suffit pourtant de soigner les mélodies. Et être très orienté R&B n'est pas une excuse quand on voit que les morceaux les plus Rap sont ne sont pas les meilleurs (euphémisme) mais plutôt les plus fades (BRIAN STEEL et GLORIOUS) ou bancal (GIMME A HUG)...
Reste un seul banger (NOKIA), ce qui fait peu, surtout quand l'autre morceau qui sort du lot est 100% Pop (DIE TRYING).
Le bilan musical est tout de même fort correct même s'il aurait pu être meilleur et plus original, mais il convient plutôt de voir cette heure et quart de musique comme une agréable ambiance avec très peu de fausses notes plutôt qu'un chef d'œuvre mémorable et enthousiasmant. J'en viens maintenant à penser que ce que j'aurais le plus aimé aurait été un album 100% produit par Noah Shebib...
Quoi qu'il en soit, cela permet d'entrevoir enfin un aspect positif à tout ce que Drake a subi dernièrement, car il est fort possible qu'il ne serait pas retourné de façon aussi prononcée au R&B.
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Même la cover est belle et classe - chose qui ne lui était pas arrivée depuis celle de son dernier album bien réussi, Scorpion en 2018. Avec les deux canadiens posant devant le design particulier des tours Absolute World (180m & 161,2m), elle n'est pas sans faire penser à celle de Views (cf. la dernière review que j'avais rédigée pour lui ICI) où Drake était assis au sommet de la CN Tower de Toronto (553m). Il fait d'ailleurs référence à celle-ci dans la track d'ouverture de $$$4U.
Espérons que ces symboles lui portent chance et qu'il y ait suffisamment de fans de Rap et R&B comme moi pour le porter au sommet qu'il mérite toujours après 15 ans de succès qui forcent le respect.
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